2 septembre 1981

Harar


Chers amis,

Je crois vous avoir écrit une fois depuis votre lettre du 12 juillet.

Je continue à me déplaire fort dans cette région de l'Afrique. Le climat est grincheux et humide; le travail que je fais est absurde et abrutissant, et les conditions d'existence généralement absurdes aussi. J'ai eu d'ailleurs des démêlés désagréables avec la direction et le reste, et je suis à peu près décidé à changer d'air prochainement. J'essayerai d'entreprendre quelque chose à mon compte dans le pays ; et, si ça ne répond pas (ce que je saurai vite), je serai tôt parti pour, je l'espère, un travail plus intelligent sous un ciel meilleur. Il se pourrait, d'ailleurs, qu'en ce cas même je restasse associé de la maison, — ailleurs.

Vous me dites m'avoir envoyé des objets, caisses, effets, dont je n'ai pas donné réception. J'ai tout juste reçu un envoi de livres selon votre liste et des chemises avec. D'ailleurs, mes commandes et correspondances ont toujours circulé d'une façon insensée dans cette boîte.
Figurez-vous que j'ai commandé deux tenues en drap à Lyon, l'année passée, en novembre, et que rien n'est encore venu.
J'ai eu besoin d'un médicament, il y a six mois ; je l'ai demandé à Aden, et je ne l'ai pas encore reçu ! — Tout cela est en route, au diable.

Tout ce que je réclame au monde est un bon climat et un travail convenable, intéressant : je trouverai bien cela, un jour ou l'autre. J'espère aussi ne recevoir que de bonnes nouvelles de vous et de votre santé. C'est mon plaisir premier d'avoir de vos nouvelles, chers amis ; et je vous souhaite plus de chance et de gaîté qu'à moi. Au revoir.

RIMBAUD